Fidèle à sa mission et au vu du contexte actuel, notre Membre, le cabinet El Ajeri Lawyers – EAL nous a adressé une analyse pertinente conduite par ses soins, sur le sujet du télétravail dans la législation Tunisienne, la continuité de l’activité dans le contexte sanitaire actuel et les solutions proposées ainsi que les mesures de sécurité au travail.
Au vu de l’intérêt que peut susciter chez plusieurs de nos membres, nous vous soumettons cette étude en remerciant notre membre El Ajeri Laywers pour cet apport précieux. Bonne lecture.
Dans le contexte que vie actuellement la Tunisie, comment l’employeur peut-il appréhender la sécurité au travail (I) et quelle seraient les alternatives qui lui seraient offertes pour poursuivre son activité (II) ?
Le Législateur a mis à la charge de l’employeur une obligation d’assurer la santé et la sécurité à ses employés. Ainsi l’article 152-2 du Code du travail (CT) prévoit que «Tout employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires et appropriées pour la protection des travailleurs et la prévention des risques professionnels. Il doit notamment :
Pour sa part l’employé se doit de respecter les mesures prises par l’employeur. A cet effet, l’article 153-3 du CT dispose :
«Le travailleur est tenu de respecter les prescriptions relatives à la santé et à la sécurité au travail et de ne pas commettre aucun acte ou manquement susceptible d’entraver l’application de ces prescriptions. Il est tenu notamment de ce qui suit :
Par ailleurs que faut-il faire dans le cas où l’un des employés informe l’employeur qu’il a été infecté par le Covid-19 ?
Le Décret 2020-152 du 13 Mars 2020 a classé le Corona virus Covid 19 parmi les maladies transmissibles telles qu’elles sont listées à l’annexe de la loi 1992-71 relative aux maladies transmissibles.
Suivant le décret en question, les dispositions légales relatives à l’examen, au traitement et aux soins obligatoires et à l’isolement prophylactique en cas de maladies transmissibles sont applicables au Covid-19. Toute infraction aux restrictions, directives édictées par les autorités sanitaires sont passibles des sanctions prévues par la législation en vigueur.
Des prescriptions et mesures particulières à caractère préventif, curatif, ou éducatif et propre à chacune des maladies auxquelles sont soumises les personnes atteintes peuvent être fixées par arrêté du Ministère de la Santé. Dans le cas du Covid-19, ledit arrêté n’a pas encore été pris.
Il est toutefois clair que les mesures sécuritaires de distanciation entre les employés devront être scrupuleusement respectées.
Suivant cette Loi, toute personne se sachant atteinte d’une maladie transmissible est tenue de se faire examiner et traiter par un médecin.
Cette Loi ne fait pas référence aux obligations de l’employeur en pareil cas mais plutôt à celles des médecins ayant diagnostiqué une maladie transmissible. Aussi dans le cadre du travail et afin que l’employeur se protège, il est recommandé de faire effectuer une visite médicale par le médecin de travail à l’ensemble des employés travaillant encore sur site. Le médecin pourra ainsi détecter les potentiel cas et/ou risques et prendre les mesures nécessaires, ce qui vous permettra à votre tour de prendre les décisions adéquates.
Dans le cas où un employé serait testé positif au Covid-19, et du point de vue de l’employé, il devra se faire soigner conformément aux dispositions préconisées par la loi 1992-71. Du point de vue de l’employeur, cet employé devra être placé en congé maladie conformément à la législation en vigueur, c’est-à-dire sur la présentation d’un certificat médical dans les 48h.
Les autres employés de l’entreprise devront en être informés et une visite médicale par le médecin de travail devra être effectuée. Suivant les résultats des examens l’entreprises devra prendre l’une des mesures susmentionnées afin d’éviter la propagation du virus. De plus, le site devra être totalement désinfecté.
Dans un contexte de confinement, de restriction de circulation, ayant pour conséquence le ralentissement voire pour certains l’arrêt de l’activité, les employeurs vont tenter de trouver les solutions légales qui leur permettent de poursuivre tant bien que mal leurs activités tout en s’adaptant à la nouvelle situation.
Aussi, quelles sont les différentes options qui s’offrent aux parties dans un contexte de Covid-19 ?
L’employeur, peut décider d’interrompre le travail. Dans cette hypothèse il décide la fermeture de l’entreprise et fera alors application des dispositions de l’article 92 du Code de travail suivant lequel : «Les heures perdues, par suite d’interruption collective de travail dans un établissement ou dans une partie d’établissement, peuvent être récupérées dans les deux mois suivant l’interruption du travail. Les heures ainsi récupérées sont payées au taux normal.
L’Inspection du Travail est préalablement informée, par le Chef d’Etablissement, des interruptions collectives de travail et des modalités de la récupération. Toutefois, si le travail est interrompu par un événement imprévu, avis lui en est donnée immédiatement».
Il est à préciser que suivant les dispositions de l’article 93 du même code «(…) la récupération d’heures perdues ne peuvent avoir pour effet de porter à plus de soixante heures, non comprises les heures de dérogation permanentes, la durée hebdomadaire du travail, sauf en cas de travaux urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire pour prévenir des accidents imminents ou organiser des mesures de sauvetage».
L’entreprise peut convenir avec l’employé que la période non travaillée sera considérée comme un congé annuel payé. Dans ce cas, la procédure interne habituelle relative à la prise de congés payés devra être suivie.
A noter que «Au cas de fermeture de l’établissement ou d’une partie de celui-ci pour une durée supérieure à celle du congé annuel, l’employeur est tenu pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant ledit congé, de verser au personnel concerné une rémunération qui ne peut être inférieure à l’indemnité journalière de congé payé» (Article119 du Code de travail). Cette option ne nécessite pas un avenant au contrat de travail;
L’entreprise peut convenir avec l’employé que la période non travaillée sera considérée comme un congé sans solde. Dans ce cas, il faut matérialiser cet accord par un écrit, sans que cela ne nécessite un avenant au contrat de travail.
Malgré le fait que l’article 21 du Code du travail ne couvre pas l’hypothèse de l’épidémie ou celle de l’urgence sanitaire, l’employeur pourrait envisager de recourir au chômage technologique tel que prévu à l’article 21 du Code de Travail.
Dans ce sens, suivant ledit article « Tout employeur qui a l’intention de licencier ou de mettre en chômage pour des raisons économiques ou technologique, tout ou partie de son personnel permanent, est tenu de la notifier au préalable à l’inspection du travail territorialement compétente».
Même si la notion de chômage technique n’a pas été définie par le législateur, il est possible de se référer aux droits voisins pour essayer d’en extraire le sens. Ainsi, l’articleR5122-1 du Code du Travail Français dispose « L’employeur peut placer ses salariés en position d’activité partielle(1) lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs suivants :
1° La conjoncture économique ;
2° Des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie ;
3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel;
4° La transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise;
5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel».
(1) Le terme «activité partielle» a remplacé les expressions «chômage partiel» et «chômage technique» et ce par la loi du 14 Juin 2013.
Par conséquent le recours au chômage technique peut se faire en cas de réalisation de l’une ou de plusieurs des situations susmentionnées, sachant qu’il a pour conséquence la suspension du contrat de travail et non pas sa rupture.
L’entreprise peut mettre en place le système de télétravail lorsque son activité le lui permet. Bien que ce concept n’ait pas été règlementé, il est possible que les parties le mettent en place et l’organise. L’établissement d’un avenant au contrat de travail devra alors être établi. L’ensemble des solutions envisagées devront être discutées avec les représentants du personnel (commission consultative d’entreprise ou délégué du personnel) afin qu’une décision concertée puisse être prise. Les employeurs pourront également suivant les cas mixer différentes options.