Accord de Libre-Échange Complet et Approfondi (ALECA) à un accord d’intégration économique à solidarité active


En Tunisie, l’ALECA soulève beaucoup d’inquiétudes auprès de l’opinion publique, de la société civile et des partis politiques. Et ce d’autant plus que sept ans après la révolution, et malgré les nombreux efforts déployés par le peuple tunisien et les réalisations accomplies, le pays doit encore faire face aux mêmes défis. Malgré ce contexte incertain et fragile, la Tunisie reste animée par une forte conviction dans les choix d’ouverture, comme moteur de croissance et puissant levier pour gagner en compétitivité, confirmant le choix stratégique de s’intégrer dans son espace de proximité la région euro-méditerranéenne, par le lancement en octobre 2015 des négociations sur l’ALECA.

Ce choix est courageux et louable mais il est risqué compte tenu du contexte de la difficile transition économique. Ce choix est d’autant plus risqué que par le passé, cette intégration de l’industrie tunisienne à l’espace économique européen lui a, certes, permis de relever le niveau de sa croissance économique tendancielle, mais n’a pas réussi à entrainer un développement inclusif majeur, générateur d’emplois pour les jeunes et de développement régional dans les régions intérieures.

Or l’une des fortes revendications de la société civile tunisienne aujourd’hui est de mener au préalable à l’ALECA, une évaluation rétrospective neutre et objective de l’accord d’association de 1995.

L’acceptabilité sociale de l’ALECA sera donc liée à notre capacité de transformer la croissance générée par l’intégration économique à l’espace européen en un développement inclusif.

Pour ce faire, divers leviers sont à actionner.

Tout d’abord des leviers internes, à commencer par l’approche adoptée dans les négociations pour respecter les principes de l’asymétrie et de la progressivité. Cela permettra de tenir compte de la sensibilité des secteurs concernés par cet accord, notamment l’agriculture, et du différentiel de développement et par conséquent d’éviter les chocs de toute ouverture sauvage et de ménager aux secteurs sensibles les calendriers nécessaires à leur adaptation.

De plus les études d’évaluation d’impact et d’analyse d’écarts déjà engagées, serviront également à identifier entre autre les mesures d’accompagnement, les programmes de mise à niveau, notamment en termes de rapprochement de l’acquis communautaire, ainsi que l’appui financier et technique conséquent, et substantiel à la hauteur des défis qu’affronte le pays.

De même que la facilitation des procédures d’octroi de visas pour l’exécution des contrats de services dans les différents pays de l’Union Européenne, serait perçue favorablement.

Parmi les leviers externes à l’accord, et qui relèvent de la partie tunisienne signalons la nécessité d’approfondir les réformes, se rapportant au développement du capital humain, l’impérieux besoin de renforcer l’infrastructure de base sur l’ensemble du territoire national et l’urgence de libérer l’environnement des affaires du carcan bureaucratique qui l’accable.

Tout aussi important, l’impératif de réhabiliter une politique industrielle plus active, plus volontariste par les pouvoirs publics. La compétitivité de nos entreprises et leur capacité à pénétrer les marchés d’export est tributaire de leur effort intrinsèque mais également d’un environnement des affaires compétitif et de stratégies publiques sectorielles, volontaristes et ciblées.

Cette politique industrielle ambitionnera également le transfert technologique pour permettre à notre économie d’évoluer d’une économie à faible coût à un hub économique conformément à la vision du nouveau plan de développement relatif à la période 2016- 2020, visant de faire de la Tunisie une plate-forme industrielle et technologique et un pôle régional de production et d’échanges de biens et de services à haute valeur ajoutée.

Ce qui ouvrira la voie à l’intégration effective de l’économie tunisienne notamment en matière des secteurs des services, qui recèlent un véritable gisement d’exportation et donc de croissance et un réel potentiel d’emplois de nos jeunes diplômés.

A juste titre, l’actualité en Tunisie est dominée ces derniers temps par un exode de nos jeunes compétences, de toutes spécialités. Cet écrémage des ressources vives est peut-être bénéfique au plan individuel mais il est porteur à terme de germe de déséquilibre et d’instabilité au niveau des entités collectives, pays ou nation.

Pour y faire face, La Tunisie qui a fait le choix de la démocratie, se doit d’insérer l’ALECA dans une vision à long terme, d’une société démocratique, apaisée, travailleuse, équitable et solidaire, en somme le modèle qui attire nos élites parties en quête d’un avenir meilleur.

L’Europe peut nous y aider en proposant un ALECA ouvert, généreux, crédible et solidaire de la Tunisie, adapté à sa transition, appelons-le un accord d’intégration économique à solidarité active, gage de la réussite de cette transition etde l’amorce d’un espace de prospérité entre les deux rives de la méditerranée.

SE Ridha Ben Mosbah
Membre  d’Honneur de notre Chambre