Se basant sur une évaluation du GAFI datant de 2016 et devenue caduque après sa révision début janvier, le parlement européen a inscrit la Tunisie sur la liste des Etats susceptibles d’être fortement exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme.
Pourtant, ce pays s’applique à respecter toutes les directives internationales dans tous les domaines, contrairement à beaucoup d’autres qui rechignent encore à signer des traités et des conventions de grande importance et qu’on ne voit bizarrement sur aucune liste noire.
Cette inclusion a créé un tollé dans le cercle politique et des affaires tunisiens; position incompréhensible pour certains, camouflet et injuste pour d’autres et pour cause, le préjudice infligé à l’image de la Tunisie et les conséquences qui s’en suivent notamment en terme de crédibilité ne peuvent laisser personne indifférent.
En effet, si l’objectif de l’évaluation du GAFI qui résulte de l’examen de la conformité technique à ses recommandations se limite à aider les juridictions des pays ciblés à bien lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et ne vise nullement de sanctionner le pays audité, par contre, l’Union européenne, à travers un blâme solennel voté par son Parlement, ne peut qu’enfoncer une économie déjà fragile, soit en compliquant le dénouement d’opérations financières avec l’étranger, soit en renchérissant les émissions tunisiennes sur les marchés financiers internationaux, ou tout simplement en avertissant les investisseurs et en les dissuadant de développer des affaires en Tunisie.
Evidemment nous n’avons pas de réponse précise sur les raisons d’un tel acharnement, avec deux inscriptions successives en listes noires; mais ce dont nous sommes sûrs, c’est que la sentence n’arrange pas non plus les investisseurs européens eux-mêmes qui, pour des raisons objectives et rationnelles ont déjà choisis ce pays pour développer leurs affaires, et même ceux qui ont l’intention d’y implanter de nouveaux projets après avoir étudié les avantages comparatifs que présente la Tunisie par rapport à d’autres pays.
C’est justement de cette rationalité que la Tunisie a bien besoin ; nos partenaires ont choisi d’investir dans ce pays, non pas par un élan du cœur mais pour ses divers atouts qui justifient son attractivité : proximité, compétitivité des coûts de facteurs, capital humain qualifié, procédures simplifiées, sans oublier la modernité, le climat et l’affabilité. Des centaines voire des milliers d’importantes entreprises qui se respectent y sont déjà installées depuis longtemps et pourraient en témoigner.
La rationalité appelle aussi à ne pas négliger l’avis des 357 députés du Parlement européen qui se sont opposés à la décision d’inclure la Tunisie dans cette liste ; l’avis de 357 députés n’est pas rien et le nier ou le considérer subjectif ou infondé serait de la sous-estimation. Ces respectables députés doivent connaitre parfaitement la Tunisie et ont pris en considération les difficultés par lesquelles elle passe après les événements de 2011, en mesurant à sa juste valeur l’effet du délabrement du voisin libyen qui continue à l’impacter sur tous les plans. Ils ont refusé de donner le coup de grâce au seul pays qui s’est soulevé contre la dictature et la marginalisation et qui lutte encore pour traverser les périples et sauver les meubles.
Ces députés sont de surcroit en harmonie avec la qualité des relations qui lient l’Union européenne avec la Tunisie et qui devraient normalement aboutir à un accord aussi important qu’engageant que l’ALECA.
En tout état de cause, il n’est de l’intérêt d’aucun de voir la Tunisie sombrer dans le chao pouvant, par transmission, créer un effet domino et se retourner contre tous. Nos amis sont plus que jamais sollicités de se ranger du côté des 357 députés et de s’engager dans une relation gagnant-gagnant en saisissant les opportunités d’affaire qui ne manquent pas.
Mme Faiza Feki
Membre d’Honneur de la CTNCI