Après avoir été envahis par un sentiment de désolation et de déception, voire de contestation, les tunisiens, qu’ils soient aux commandes du pays ou autres avertis de la scène économique, se réjouissent aujourd’hui de la sortie de la Tunisie de la liste noire des juridictions non coopératives sur le plan fiscal, établie au début du mois de Décembre 2017 par l’Union Européenne.
Inutile de polémiquer sur les conditions d’échanges avec les experts du Groupe « code de conduite » de l’UE et le manque éventuel de réactivité de la partie tunisienne à ce titre, l’essentiel est que la Tunisie a pris des engagements qui lui ont permis de passer de la liste noire à la liste grise et doit être en mesure de les tenir d’ici la fin de l’année.
Cet engagement se traduit, en fait, par la reconnaissance de la partie tunisienne de la non-conformité de son arsenal législatif fiscal aux standards de bonne gouvernance de l’UE et ce, non obstant son adhésion à la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), ainsi qu’à celle sur l’Investissement international et les entreprises multinationales, la probité dans la conduite des affaires et de la finance internationale de la même organisation. Adhésion nécessitant en principe l’adaptation de la législation et le suivi des procédures et des outils de son application.
La Tunisie n’a donc d’autres choix que de s’atteler à réviser son système fiscal ainsi que toutes autres dispositions qui soient à l’origine de la non-conformité reprochée du régime des incitations des exportations et de celui des prestations de services financiers. Les experts du Groupe ont incontestablement besoin d’être rassurés quant au degré de transparence dans l’application des mesures fiscales et à l’existence d’une obligation de présence effective et d’une activité réelle en Tunisie à la charge des entreprises bénéficiaires des avantages fiscaux.
Nul doute que l’UE, avec qui, la Tunisie entretient d’excellentes relations et qui n’a ménagé aucun effort pour soutenir le pays et l’aider à surmonter les difficultés économiques auxquelles il a été confronté depuis les événements du 14 janvier 2011, ait traité ce dossier autrement que par objectivité et sérieux ; les débats passionnés à ce niveau sont à bannir. Il est vrai, toutefois que les reproches, du moins tels qu’annoncés, sont d’ordre général et ne pointent pas directement des dispositions législatives ou réglementaires particulières, ce qui rend la tâche des autorités tunisiennes plutôt compliquée pour pouvoir répondre d’une manière directe et précise comme l’attendrait cette instance de l’UE.
En tout état de cause, il ne faut pas se focaliser sur le seul aspect fiscal de la question sans examiner d’autres volets du climat des affaires qui pourraient être aussi à l’origine de la non-conformité aux règles internationales et européennes de transparence et de gouvernance; les conventions de non double imposition étant faites pour endiguer la concurrence fiscale entre les pays, il est impératif de creuser davantage les causes techniques réelles de ce classement en travaillant en étroite collaboration avec les experts du Groupe.
Il est difficile de croire que l’UE qui est bien sûr en droit d’inciter les pays à supprimer les régimes qui entrainent la fuite de revenus de ces pays par le biais de montages artificiels, veuille ou puisse empêcher certains pays de donner des avantages pour booster les investissements directs étrangers dans leur économie réelle.
Les autorités tunisiennes doivent mesurer exactement la nature et l’ampleur des engagements pris afin de pouvoir les tenir sans dégâts. Il n’est pas permis de « louper le coche » et se trouver de nouveau dans cette maudite liste noire, auquel cas, le pays perdra définitivement sa crédibilité et son capital confiance au regard des investisseurs étrangers, et c’est là le véritable enjeu.
Mme Faiza Feki
Membre d’Honneur de la CTNCI