Le système fiscal tunisien n’a pas connu de réforme structurelle, il a connu une évolution par strates, jalonnées par la mise en place progressive et disparate des maillons du système actuel, parmi lesquels figure des étapes phares, telles que la promulgation du code de la TVA en 1988, la promulgation du code de l’IRPP et de l’IS en 1990, le code des droits d’enregistrement et celui de l’incitation aux investissements en 1993, le code des impôts locaux en 1997 et le code des droits et des procédures fiscaux en 2000. A l’occasion de chaque loi de finances, et pour répondre à des impératifs conjoncturels divers, le législateur apporte régulièrement des coups de bistouri à la règlementation fiscale. Cette situation témoigne déjà de la complexité et de la diversité du système fiscal et des sources du droit fiscal.
La révolution qu’a connue le pays en 2011 a mis à nu les problèmes économiques et sociaux qui traversaient le pays, ce qui a mis en cause la politique économique et sociale de l’Etat, et notamment sa politique budgétaire et fiscale. Ainsi, une analyse critique du système fiscal Tunisien est amorcée depuis 2012 au sein de l’administration et en dehors et qui permit de mettre en évidence un ensemble de lacunes rendant la réforme de ce système nécessaire et urgente :
Lacunes tenant au système fiscal en place
Lacunes tenant au contexte économique et social
Soutenue par les divers bailleurs de fonds de la Tunisie, la réflexion sur la réforme fiscale devient une priorité nationale annoncée par le gouvernement en 2013 et prends un aspect structuré en amorçant une vision d’ensemble, via un travail d’équipe, de commissions et d’experts visant à :
Ainsi, une approche globale a été instaurée depuis 2013 par l’Etat Tunisien, en rapport avec les impératifs de croissance économique, du maintien des équilibres budgétaires, de garantie des droits des contribuables, pour la mise en place du processus de la réforme fiscale, guidée par les objectifs de :
Depuis 2013, les travaux publiés ou annoncés ont permis de relever que la réforme du système fiscal tunisien se base, désormais, sur les axes suivants :
Ces orientations de réforme, quelque louables qu’elles soient, permettent-elles de répondre concrètement aux impératifs et aux objectifs pour lesquels la réforme a été pensée ? et d’assoir une vraie réforme-refonte globale du système en place ?
Comment une réforme d’ensemble, de fond peut-elle être amorcée sans principes directeurs ? sans philosophie ? sans principes fondateurs ?… et sans modèle économique clairement tracé et largement partagé ?…
Ces questions restent posées : et le questionnement est d’autant plus légitime qu’il est à souligner que ce train de réflexions a été certes amorcé dans une Tunisie post-révolution, mais en retrait par rapport à l’évolution majeure du système politique tunisien marquée par l’adoption de la nouvelle Constitution en Janvier 2014. Cette évolution ébranle le système fiscal en place, en édictant une démarche inédite, notamment en ce qui est des impôts locaux, des mécanismes de péréquation et de l’égalisation et de l’affectation de cote part des revenus des ressources naturelles :
Article 135 : Les collectivités locales disposent de ressources propres et de ressources déléguées par l’autorité centrale…
Article 136 : L’Autorité centrale se charge de mettre des ressources supplémentaires à la disposition des collectivités locales, en application du principe de solidarité et suivant le mécanisme de l’égalisation et de la péréquation.
L’Autorité centrale œuvre en vue d’atteindre l’équilibre entre les revenus et les charges locales.
Une part des revenus provenant de l’exploitation des ressources naturelles peut être consacrée, à l’échelle nationale, en vue de la promotion du développement régional.
Article 137 : Les collectivités locales gèrent librement leurs ressources ….
Partant, le projet de réforme devrait mettre en place l’équilibre parfait, et ô combien difficile, entre les dits impératifs constitutionnels, les aspirations du contribuable et la consolidation de ses garanties, la gouvernance fiscale, l’augmentation des recettes de l’Etat, et entre l’amélioration du climat des affaires, la simplification des procédures et la promotion de l’investissement et de la création de richesse… L’a-t-il fait ?
Me Badi Ben Mabrouk
Membre de la CTNCI
Avocat à la Cour