Depuis 2011, la situation du secteur touristique frappé de plein fouet par les divers attentats et la pandémie du Covid-19, a révélé les insuffisances et la cécité de la politique de promotion touristique et de valorisation des ressources sous-jacentes à la base de cette activité.
Aujourd’hui, l’offre est constituée essentiellement d’activités balnéaires, du tourisme saharien et du tourisme de plaisance avec une déclinaison végétative à l’égard de nouvelles formes alternatives. Le portail Discovertunisia, site officiel d’information sur le tourisme tunisien recense désormais neuf rubriques dans l’offre touristique de la Tunisie : La plage, la culture, le Sahara, le Bien-être, les Saveurs, les Activités, l’Artisanat, les Seniors et les incentives.
Malgré son apparence innovante et son élégante charte graphique, on est frappé par l’aspect sélectif et la pauvreté de l’information souvent tronquée et sèche de ce Site.
Quant au «Guide Voyage Tunisie», qui est le deuxième site de référence, dont le contenu est toutefois un peu plus riche, il présente au visiteur huit rubriques avec de brèves informations sur 820 activités (visites et monuments, sports et divertissements, parcs à thèmes, gastronomie et boissons, événements et spectacles, shopping, bien-être et détente, transferts et déplacements). On peut y glaner quelques informations plus ou moins pratiques sur les tarifs et sur la diversité de l’offre.
Toutefois, le secteur tel qu’il est conçu, peut-il être un des importants moteurs de la croissance économique en Tunisie ?
Les deux indices retenus par le Syndicat patronal du secteur, pour mesurer l’efficience de ce secteur sont l’emploi et les recettes en devises. 9,4% de la population active sont employés par le secteur soit 389 milles emplois. Seulement 25% sont des emplois permanents (2,5% PA) Quant au taux de couverture du déficit commercial par les recettes touristiques, il était en 2018, de 21,1% contre 27,1% pour les revenus de travail et 20% pour les diverses ressources ; Favorisant ainsi la thèse d’une politique volontairement dictée par la recherche de devises.
Selon l’étude menée en 2020 par le Bureau d’expertise KPMG, la part du tourisme dans le PIB de la Tunisie était de 13,8% en 2018 contre 14,2% annoncée pour 2020 avec près de 9 millions de touristes étrangers et deux millions de locaux.
La fragilité de ce secteur vient en réalité de cette obsession dictée par des considérations comptables et budgétaires, à collecter des devises. La crise sanitaire a permis de s’apercevoir que c’est plutôt les Tunisiens à l’Etranger qui ont permis de renflouer les caisses de la BCT en devises. Sans devises touristiques, les disponibilités et les réserves de la BCT, en devises ont pu s’améliorer. Ce qui signifie qu’une politique de reconsidération de l’offre touristique, peut être mise en œuvre sans risque même en période de crise du secteur.
Il n’est pas nécessaire que cette refonte, se fasse dans le cadre d’une approche conflictuelle et substitutive, mais doit être considérée surtout comme une réponse à un besoin de renouveler l’offre, en la diversifiant et en induisant d’autres vecteurs au bénéfice du bien-être social et du décollage économique des régions jusque là, défavorisées par la philosophie de la croissance. C’est une question de bon sens.
Notre conception de l’activité touristique doit être repensée, tant qu’il est encore temps. Elle doit se libérer des standards du chiffre d’affaires et de la recherche de devises, pour entrer dans le standard des concepts à haute valeur ajoutée. L’importance d’une ressource se mesure réellement par son efficience plus que par son importance quantitative.
En même temps, il faut reconsidérer l’organisation institutionnelle et organique des secteurs en amont de l’offre touristique par la création d’un office qui regroupe diverses institutions aujourd’hui éparses et sans aucune cohérence. Cette institution qu’elle se dénomme Office, Conseil ou autre, aura pour objectif de réconcilier le Citoyen avec le Territoire et de recéler les différents vecteurs d’une offre riche et transversale aujourd’hui muette, en l’occurrence les ressources patrimoniales dans leur acceptation la plus large, l’artisanat et les ressources paysagères.
Le regroupement des diverses institutions en contact avec l’offre touristique est une condition nécessaire pour la réussite de toute réforme du secteur. La mise en œuvre de synergies fait qu’il n’est même pas nécessaire de garder deux Ministères de tutelle pour le tourisme et la culture. Il serait même probant de changer la dénomination.
C’est la conception actuelle du secteur touristique qui occulte les ressources nouvelles qui peuvent constituer un potentiel pour le développement régional et pour le renouvellement de l’offre. La rupture avec cette conception va libérer un potentiel sous-estimé et permettre d’atteler le rééquilibrage régional à la recherche de nouveaux leviers de développement. Nos régions aujourd’hui stigmatisées, regorgent de richesses culturelles, artisanales, gastronomiques et paysagères exceptionnelles, mais souffrent de l’absence totale d’une politique de valorisation de ces richesses. Il est temps de dire stop, on a la mer et le soleil sur le littoral, et c’est tant mieux, mais on a aussi les paysages culturels les plus authentiques et les plus diversifiés et recherchés par une jeunesse en quête de découvertes et d’aventures et une classe moyenne stressée (fonctions libérales et fonctionnaires) à la recherche d’évasion. Un élan à encourager et à intégrer substantiellement dans les priorités stratégiques des décideurs et des acteurs. La demande est là, l’offre est toujours à l’état de potentiel et fait encore défaut.
Alors, libérez ce potentiel et donnez une chance de développement à nos Régions.
Dr Ridha Shili
Membre d’Honneur de notre Chambre