La monnaie nationale tunisienne, le Dinar, s’est largement déprécié depuis la Révolution
En effet au 27 août 2018, le Dinar a perdu 67% de sa valeur par rapport à la moyenne des cours observés en 2012. Entre le 27 août 2018, et la moyenne des cours observés en 2017, le Dinar a perdu 16% de sa valeur.Pour ne pas encombrer ce papier par trop de chiffres, et pour ne pas être obligé de suivre le Dinar par rapport à l’Euro, et le Dinar par rapport au Dollar, et peut-être par rapport à d’autres monnaies, j’ai choisi une méthode un peu originale. Cette méthode consiste à suivre le Couple Euro/Dollar. En effet je calcule à chaque date le cours synthétique de 1 Euro + 1 Dollar.
Cette méthode a le mérite non négligeable d’éliminer l’effet des variations des deux monnaies (Euro-Dollar) entre elles.
En outre il n’est pas inutile de rappeler qu’en prenant le Couple Euro-Dollar, je couvre plus de 80% de paiements extérieurs de la Tunisie. Le Coulpe Euro-Dollar reflète donc bien la physionomie des paiements extérieurs de la Tunisie et l’évolution réelle de la valeur du Dinar.
1 – Le Dinar s’est beaucoup déprécié
En effet une dépréciation de cette ampleur est importante et elle a des conséquences significatives au niveau des équilibres macro-économiques de la Tunisie et des finances publiques et privées. Mais il faut rappeler en même temps que la monnaie nationale, comme dans tous les pays, ne fait que refléter la situation économique et financière.
La monnaie est un miroir. Si ce que reflète le miroir n’est pas beau, la faute n’est pas au miroir.
Le Dinar va-t-il se déprécier davantage ?
2 – Le Dinar va continuer à déprécier
Tous les fondamentaux de l’économie et des finances publiques tunisiennes se sont gravement détériorés depuis 2011. J’entends par fondamentaux, les principaux indicateurs tels que : le taux de croissance économique, le taux d’inflation, le déficit commercial, le déficit courant, le déficit budgétaire, les niveaux de la dette publique et de la dette extérieure, etc. En outre le pays ne s’est pas encore engagé sur la voie du redressement de son économie et de ses finances publiques.
Pour suivre l’évolution du taux de change d’une monnaie par rapport à d’autres monnaies, il est aussi nécessaire de suivre :
Ces deux différentiels sont largement défavorables au Dinar.
Le Dinar va donc continuer à se déprécier, mais avec quelles conséquences ?
3 – Les conséquences de la Dépréciation du Dinar
La dépréciation du Dinar gonfle la valeur (en Dinars) de la dette publique et du service de la dette. Ceci crée une pression supplémentaire sur le budget de l’Etat et aggrave par conséquent, le déficit budgétaire, qui est de nature à alimenter l’inflation.
La dépréciation du Dinar entraine ce que nous appelons l’Inflation importée du fait que les prix, exprimés en Dinars, de tous les produits et services importés augmentent.
Progressivement une sorte de spirale inflationniste s’installe puisque l’inflation, qui a déjà atteint des niveaux supérieurs à 7%, commence à s’alimenter d’elle-même. L’inflation entraine plus l’inflation.
Pour combattre l’inflation et la dépréciation rapide du Dinar, la BCT se met à augmenter le taux d’intérêt. La majoration des taux d’intérêt augmente les charges, et donc les coûts, et donc les prix de vente des entreprises. Ceci est générateur de plus d’inflation et de plus de dépréciation de la monnaie.
L’augmentation des taux d’intérêts entraîne une augmentation du coût de l’investissement, et réduit donc les chances de redressement de l’économie.
En outre la dépréciation du Dinar qui génère de l’inflation détruit les bases de l’épargne nationale (de 22% du PIB en 2010 à moins de 10% du PIB actuellement) et modifie profondément la répartition des revenus et des richesses dans le pays.
La classe moyenne, qui a toujours constitué un facteur de stabilité économique, et sociale en Tunisie, subit une érosion significative. Des pans entiers de population quittent la classe moyenne pour aller renforcer les rangs de la classe pauvre.
La dépréciation du Dinar crée-t-elle un phénomène boule de neige ?
4 – Dépréciation du Dinar et phénomène boule de neige
La Tunisie a clairement choisi de déprécier progressivement le Dinar, au lieu de prendre une décision souveraine de le dévaluer. Il est évident que la dépréciation progressive, ou le glissement, est plus facile à faire passer politiquement ; cependant une dévaluation est bien plus efficace en matière de rétablissement des équilibres. La décision de dévaluer ne peut être prise que par un Gouvernement fort !
Cependant faire glisser la monnaie, et en plus, de manière quasi-linéaire, crée des anticipations négatives, bien présentes aujourd’hui. Ces anticipations négatives ralentissent le rapatriement des revenus des exportations et du tourisme. Elles ralentissent également les transferts des Tunisiens qui résident à l’étranger (TRE) ; bloquent quasiment les IDE (Investissement Directs Etrangers). Elles accélèrent par contre les sorties de devises au titre des règlements des importations et des autres paiements : cela se traduit par des réserves de change sous tension et en baisse continue malgré l’endettement.
5 – Les réserves de change
Les réserves de change se mesurent en équivalent de jours d’importations. Un jour d’importation en Tunisie correspond à environ 145 Millions de Dinars. Dans le monde entier, le seuil critique en matière de réserves de change est l’équivalent de 90 jours d’importation. Ce seuil correspond aux importations de produits alimentaires, de médicaments et de carburants. Ces importations sont évidement prioritaires au niveau des paiements extérieurs. Ainsi un pays qui s’approche de ce seuil ou qui passe en dessous est un pays susceptible d’avoir des ratés au niveau du service de la dette extérieure et de la mobilisation de nouveaux crédits.
Le niveau actuel des réserves de change de la Tunisie est de 70 jours malgré le pic de la saison touristique, le pic des exportations d’huile d’olive et de dattes, et surtout malgré la forte dépréciation du Dinar qui visait le rétablissement de l’équilibre de la balance commerciale et de la balance des paiements courants. Le glissement du Dinar visait également le rétablissement du niveau des réserves de change au dessus de l’équivalent de 90 jours d’importation.
Cette situation difficile ne veut pas dire qu’il n’y a pas de solutions
6 – La baisse du Dinars, la solution
La dépréciation du Dinar, le niveau des réserves de change, les niveaux de la dette publique et de la dette extérieure ne sont que les conséquences de choix économiques, financiers, sociaux et politiques. Si l’on veut stabiliser le Dinar, et corriger les autres fondamentaux, il est nécessaire de procéder en trois étapes :
Au terme d’une période de 5 années, il est permis d’espérer retrouver une économie assainie et performante.
La politique monétaire, à elle seule, ne peut pas redresser l’économie tunisienne.
Mr Ezzedine Saidaine
Membre d’Honneur de notre Chambre